Entretien avec Elizabeth Saint-Jalmes pour son exposition « Mécaniques influentes »

 

Après Distorsions en 2010 et Aux conditions initiales en 2015, l’artiste plasticienne performeuse Elizabeth Saint-Jalmes revient à Atelier Martel pour une nouvelle exposition : Mécaniques influentes. Dans la continuité de ses recherches spatiales au sein des locaux de l’agence, l’artiste propose de nouvelles création in situ via son dispositif créatif des PPCU (Protocoles Précaires de Création Urgente).

Entre deux installations sur les fenêtres de l’atelier, Elizabeth Saint-Jalmes a répondu à nos questions sur son exposition à venir. Si elle surprend déjà les architectes qui voient leur espace investit par d’étranges créatures et formes colorées, les installations de l’artiste ne manqueront pas de continuer à nous interpeller dès le 14 octobre.

Atelier Martel : Mécaniques influentes sera ta troisième exposition dans les locaux d’Atelier Martel qui, en plus, ont déménagé depuis. Comment conçois-tu ton intervention ? En continuité avec les deux précédentes ?

Elizabeth Saint-Jalmes : Alors oui, surtout dans le rapport à la complicité avec Atelier Martel et avec leur démarche et la manière dont le collectif aborde l’intégration de l’art dans des espaces « habitables ». Ils se posent la question de comment l’art structure la vie et peut en être un support, et dans ce sens-là, c’est vraiment en continuité avec mes deux expositions précédentes. Parce qu’il y a cette complicité expérientielle, c’est comme si je pouvais arriver les yeux fermés dans ces locaux, en ressentant toute cette complicité dans la manière dont moi je peux investir leur espace. C’est comme arriver dans un territoire de jeu où je n’ai pas peur me lancer encore plus dans l’aventure, et comme c’est la troisième fois, sans filet.

 

AM : Pour cette exposition, tu interviens directement sur les fenêtres de l’agence et tu proposes de « redessiner » plastiquement le paysage architectural qui se trouve derrière. Quel lien entretiens-tu avec l’architecture dans ta pratique ?

ESJ : Aucun ! Mais je considère que l’espace en soi est un espace gigogne qui comporte le psychique, le corps et l’espace investit qui peut-être aussi bien un espace à vivre qu’un endroit d’organisation du travail. Et quand je crée, je fais moi aussi des assemblages, des compositions, des éléments de sens, que ce soient des dessins, des écritures de texte ou même des fabrications d’espace.

Le rapport à l’architecture avec un grand A n’est donc pas quelque chose que je peux mettre en avant en termes de réflexion, mais plus en termes de conception. D’ailleurs, ma dernière exposition s’appelle Abri Trou, j’ai fabriqué un espace et en réalité tout part de cet espace, l’installation fonctionne un peu comme une spirale.

Et aujourd’hui je réfléchissais à cette présence de l’architecture extérieure comme empreinte, psychique presque, qui passe par le spectre de l’écran de la vitre, et je me disais qu’il pouvait aussi s’agir d’un élément de récit ; c’est-à-dire que ces masses architecturales pourraient former des récits et être presque humanisées, se retrouver avec des corps même ! Et donc le corps du bâtiment serait « en mixité » ou plutôt en métamorphose, il deviendrait un espace de transformation.

AM : A l’atelier, tu viens créer tes œuvres in situ, dans un espace de travail occupé au quotidien et où la circulation est celle d’un lieu de travail et non d’un lieu d’exposition, comment cela influence-t-il ta création ?

ESJ : Il y a deux éléments qui m’ont paru intéressants, déjà les écrans d’ordinateurs. J’ai voulu les investir parce qu’ils sont très présents dans l’espace et que c’est un espace de jeu et de visibilité qui m’a semblé être beaucoup plus présent que les murs par exemple. Ça m’est apparu comme un vrai territoire que je voulais investir. Après n’y aura pas forcément d’interaction directe parce que, quand les gens travaillent, l’écran disparaît. Et le deuxième point c’est la présence de plantes dans l’espace. J’ai joué à imaginer que les couleurs que je mets sur les filtres peuvent influer sur la manière dont les plantes poussent, et je m’amuse à imaginer qu’elles peuvent aussi influencer la manière dont les architectes travaillent ! Et ça, je pense que ça se trouvera dans mon Ephémeroïde.

 

AM: La question de la participation et la pratique de la performance sont centrales dans ta démarche, les spectateur·ices ou les travailleur·euses sont-ils·elles amené·es à interagir avec ton travail au cours de l’exposition ?

ESJ : Alors là pour le coup le fait que la lumière passe par ces éléments colorés, il y a de toutes façons une collaboration de la colorimétrie de la lumière sur les êtres qui existent dans cet espace-là. Et il y a aussi la Zooperforapie qui est clairement une prescription pour aller mieux. Et j’ai quand même l’impression aussi que cette « plongée dans l’imaginaire » que je vais faire dans cette exposition, c’est comme si ça allait proposer une faille vers quelque chose d’autre, qui percerait vers un autre champ de réalité, de perceptible et de possibles. Donc il n’y a pas trop de prise par la main sur ce coup-là, mais qui veut peut s’y engager…

 


Informations pratiques

Exposition du 14 octobre 2021 au 13 janvier 2022

Vernissage public de l’exposition le jeudi 14 octobre à 18 h (entrée libre) et performances.

Visite guidée de l’exposition par l’artiste à l’occasion des Journées nationales de l’architecture le 16 octobre à 15 h.